L’éducation, l’agriculture, l’industrie… Dans une guerre, aucun secteur n’est épargné. Et la culture ne fait pas figure d’exception. D’après les derniers chiffres de l’UNESCO publiés ce mardi 13 février, la guerre en Ukraine a engendré l’équivalent de 3,5 milliards de dollars de destruction au patrimoine et au secteur culturel de ce pays. Pire, le manque à gagner dans le divertissement, l’art et le tourisme atteindrait 19 milliards de dollars.
Des chiffres qui gonflent à mesure que le conflit s’enlise. En avril dernier, l’organisation chargée de l’éducation, de la science et de la culture, qui siège à Paris, avait entraîné ces dommages à près de 2,6 milliards de dollars, et calculait que les pertes dans le tourisme, l’art et le divertissement s’élevait à quelque 14,6 milliards de dollars.
341 sites endommagés
Des montants pharaoniques calculés en s’appuyant sur les quelque 5 000 sites détruits depuis l’invasion russe. 341 sites culturels ont été endommagés depuis février 2022, selon l’Unesco. Ils étaient 248 en avril 2023. Parmi eux, 126 sites religieux, 150 bâtiments d’intérêt historique et/ou artistique, 31 musées, 19 monuments, ou encore 14 bibliothèques.
D’importantes disparités existent toutefois entre les régions. Les villes de Donetsk, Kharkiv, Luhansk et Odessa sont les plus touchées par la destruction de monuments culturels, avec un total de 226 sites endommagés. L’UNESCO recense également 39 sites dévastés à Kiev et dans ses environs. À l’inverse de Zhytomyr, Soumy, Mykolaiv, Vinnytsya et Dnipro, et Lviv, où les dégâts ont été moins importants.
Des monuments symboliques
La cathédrale de la Transfiguration d’Odessa fait partie des bâtisses endommagées par les frappes russes. Symbole de cette ville portuaire ukrainienne, elle a été fondée il y a plus de 200 ans et détruite par les Soviétiques en 1936 avant d’être reconstruite au début des années 2000 grâce à des dons. Mais en juillet dernier, les missiles russes se sont abattus sur la cathédrale. Les vitraux ont été soufflés, l’intérieur dévasté.
« (Un) symbole pour toute la communauté » vient d’être détruit, déplore Chiara Dezzi Bardeschi, représentante de l’Unesco en Ukraine. D’autant que la cathédrale avait été consacrée en 2010 par le patriarche de l’Eglise orthodoxe russe, Kirill. L’édifice à « une valeur religieuse et spirituelle pour la ville et pour la communauté » mais n’est désormais plus accessible, regrette Chiara Dezzi Bardeschi.
Sept sites culturels inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO
Face au « danger imminent » représenté par l’invasion russe en février 2022, de nombreuses voix se sont élevées en faveur d’une meilleure protection des sites culturels ukrainiens. Ces deux dernières années ont ainsi marqué l’inscription de nouveaux sites au patrimoine mondial en péril de l’UNESCO. Une classification conçue « pour informer la communauté internationale des conditions menaçant les caractéristiques mêmes qui ont permis l’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial », précise l’Unesco.
C’est le cas du centre historique d’Odessa, en mai 2023. « La décision d’inscrire Odessa sur la liste du patrimoine mondial et du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO souligne le danger que fait peser sur le patrimoine ukrainien la guerre d’agression a mené par la Russie depuis le 24 février 2022 », faisait alors valoir Nicolas Rivière, représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à New York.
En septembre dernier sont venus s’ajouter à la liste du patrimoine en péril des bâtiments situés dans la capitale et dans la ville de Lviv, portant ainsi à sept le nombre de sites culturels ukrainiens faisant partie de la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO (dont trois au patrimoine en péril). Parmi lesquels la cathédrale Sainte-Sophie à Kiev, ou encore le centre historique de Lviv.
Les limites de la protection du patrimoine en temps de guerre
« Il n’est pas de la seule responsabilité de l’Ukraine de protéger ces sites dès qu’ils sont inscrits au Patrimoine mondial. Leur protection et leur préservation constituent une responsabilité internationale », avait souligné la délégation belge dans une déclaration conjointe avec la Bulgarie, la Grèce, l’Italie et le Japon lors d’une réunion du comité du Patrimoine mondial de l’UNESCO à Riyad, en septembre dernier.
Ce, tout en reconnaissant les limites des dispositions de préservation du patrimoine, également protégé par la Convention de la Haye de 1954. « Le classement d’Odessa, en janvier, sur la liste du Patrimoine en péril n’a pas stoppé la destruction du centre historique. » De fait, 49 sites y ont été détruits ou endommagés depuis le déclenchement du conflit.