C’est un autre visage de l’Afrique qui se propose de faire découvrir le forum Création Africa, dont la première édition va se tenir du 6 au 8 octobre à la Gaîté Lyrique et au Conservatoire national des Arts et Métiers, à Paris. Ce visage, c’est celui d’un continent plein d’audace, résolument tourné vers les nouvelles technologies, qui s’est investi avec une vitalité peu commune dans des filières en plein développement, celles des industries culturelles et créatives : séries TV, cinéma d’animation, univers immersifs (jeu vidéo, métavers et XR) et bande dessinée.
En réunissant pour la première fois plus de 600 professionnels, dont 300 créateurs africains, Création Africa, cette initiative, organisée par le ministère de la Culture et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, appelée à se pérenniser, frappe un grand coup en proposant, dans un format innovant, de mettre en lumière la scène émergente africaine dans ses dimensions professionnelles et créatives. « C’est une véritable plateforme de rencontres, d’échanges d’expertise et de mise en valeur des talents », résume Liz Gomis, secrétaire générale du forum, qui nous a accordé un entretien.
L’un des enjeux du forum Création Africa est, dites-vous, de convoquer de « nouveaux récits » et des « imaginaires renouvelés ». Qu’entendez-vous par là ?
Notre ambition est en effet de montrer que le continent africain n’est, d’un point de vue créatif, ni d’un seul bloc, ni d’une seule voix, mais qu’il comprend un véritable foisonnement de nouvelles expressions, plus passionnantes les unes que les autres, qui font sa richesse. Ce sont ces voix nouvelles, souvent peu connues du public français, que nous allons mettre en lumière à l’occasion du forum Création Africa, le premier de ce type en Europe.
Vous insistez sur l’identité forte de ces créations…
L’Afrique toute entière connaît aujourd’hui un soif de créativité sans limite, elle est habitée par un véritable appétit de création. C’est pourquoi il nous a paru essentiel que ce forum soit à l’échelle du continent et non à celle, par exemple, de l’Afrique francophone, lusophone ou anglophone. Du Sénégal à la Somalie, du Nigeria à l’Afrique du Sud, et du Mozambique aux pays du Maghreb, la création africaine est diverse, multiple, foisonnante. Ce qu’il nous a été important de souligner, c’est sa grande vitalité, quels que soient sa langue, sa religion ou son pays d’origine.
Le forum est davantage orienté du côté des industries culturelles et créatives que de celui des disciplines artistiques habituelles. Pourquoi ?
On assiste aujourd’hui en Afrique à un véritable renouvellement des genres de la création, avec un tropisme très marqué, notamment chez les plus jeunes, en direction des séries TV, du cinéma d’animation, de la bande dessinée, des jeux vidéo ou des métavers… Grâce à notre équipe curatoriale, composée de professionnels aguerris, grands connaisseurs de la scène africaine, nous avons identifié les dernières tendances de ces univers créatifs qui connaissent aujourd’hui un formidable outil.
Ce sont, par exemple, trois œuvres créées spécifiquement pour l’événement : Arbre Mugumoune œuvre en réalité virtuelle du Kenyan Brian Afande, Kwasukasukela, une projection « mapping » du Sud-Africain Xabiso Vili et un court-métrage des Congolais Frank Mukunday et Tétshim. C’est aussi la projection très attendue en avant-première de la série-événement sud-africaine Fileurs. Au forum, nous allons présenter pas moins de vingt films d’animation et de séries TV, deux expositions en réalité augmentée, quatre œuvres et jeux vidéo à tester en réalité virtuelle…
Le dénominateur commun des industries créatives est le numérique…
Toutes ces pratiques artistiques innovantes ont en effet un point commun : l’usage des technologies numériques, dont les jeunes générations se sont emparées avec ardeur. Avec le numérique, on peut – par exemple – voyager sans se déplacer, traverser des mondes invisibles ou faire surgir devant soi une divinité de la mer…
Dans un continent où les difficultés d’accès aux ressources sont largement documentées, le numérique permet de trouver des solutions pour continuer à créer. Lorsqu’on voit la qualité des BD, des jeux vidéo ou des séries TV réalisés avec un simple téléphone portable, on se dit que leurs auteurs ont un potentiel considérable. C’est pourquoi il nous a été pertinent d’organiser une mise en relation des créateurs africains et des professionnels français.
De fait, un autre volet du forum est consacré à la dimension professionnelle. En quoi consiste-t-elle ?
Avec quelque 600 professionnels, dont plus de 300 Africains, nous allons, comme je viens de le dire, mettre en réseau des entrepreneurs et créateurs africains et français. C’est un volet essentiel de l’événement, qui prendra des formats variés : rendez-vous, tables-rondes, notes d’intention, focus, ateliers… Cette dimension professionnelle a été pensée dans une logique de développement de marché. Une plateforme dédiée à la prise de rendez-vous, produite par Business France, et la mise à disposition d’espaces réservés à la Gaîté Lyrique, permettra de consolider cette dimension.
La formation est un enjeu tout aussi essentiel. Il ya en Afrique tout un vivier de jeunes créateurs en devenir qui manquent dans leur pays de structures d’enseignement supérieur qui pourraient leur offrir une marge de progression. En France, le réseau des écoles de l’enseignement supérieur Culture est particulièrement dense. Il nous semble intéressant de proposer aux uns et aux autres de se rencontrer. Je tenais à saluer toutes les écoles qui ont répondu présentes.
Le programme comprend également des tables-rondes qui reviennent sur l’actualité des industries culturelles et créatives.
Il y a en effet une dimension réflexive, qui va mettre en perspective les grands débats de notre actualité : du « potentiel créatif et inclusif de l’intelligence artificielle et ses limites éthiques » à « la circulation des œuvres », en passant par « les enjeux ». de diversité et d’inclusion dans le jeu vidéo ». Sans oublier un débat qui s’annonce passionnant sur les « Identités plurielles et création culturelle : transmettre les histoires et les cultures d’Afrique ».
Acte de préfiguration de MansA, la future Maison des Mondes Africains, le forum Création Africa, annoncé par le Président de la République, s’inscrit dans une démarche novatrice, cherchant à redéfinir les perspectives et à reconnaître les destins interconnectés de l’Europe et de l’Afrique.
Cette vision initiée par la Saison Africa2020, portée par près de 1000 partenaires en France et à travers tout le continent africain, ainsi que par le Nouveau Sommet Afrique France, qui a eu lieu il ya deux ans à Montpellier, poursuit son chemin avec Création Africa .
L’organisation de cet événement bénéficie d’un partenariat avec l’Agence Française de Développement, le Centre Pompidou, le Conservatoire national des arts et des métiers (Cnam), Business France, la Banque Publique d’investissement (Bpifrance) et l’ Institut Français.